
Le temps
L'eau de ma rivière
Eau qui court et ne dort pas sur ces galets polis,
Combien sur ton chemin as-tu croisé de vies ?
Si la parole t'était donnée, que nous dirais-tu,
De ce que tu as vu et bien souvent entendu ?
Tu es filet de vie dans un lit de rocailles,
Royaume des truites au milieu des broussailles.
Que de beautés dans tes flancs tu as cachées,
Baptême de Jésus et baignade de nos étés.
Que de laideurs dans tes flots tu as portées,
Désespoir et pollution de nos cités.
Ces forêts de châtaigniers aux noms magiques,
Se courbent et t'accompagnent comme des symboliques.
Ces pins qui t'abritent font plus d'un jaloux,
Quand on parle de « Bonnefoi » ou du « Pradou ».
Et comment feindre de ne pas leur en vouloir,
Quand on s'appelle « Valleyras » ou bien « Bois noír ».
Ton doux murmure je viendrai encore écouter,
Quand les années une à une auront coulé.
Je regarderai la rondeur de tes flancs,
Ignorer alors tout le poids de mes ans,
Car jeunesse éternelle et visage flétri,
Tu n'auras pas changé, mais j'aurai vieilli.
Continue ton histoire, continue ton chemin,
La vie n'est pour toi qu'une route sans fin,
Où se mêlent chaque jour l'amour et la haine,
Deux étranges maillons de cette longue chaîne.
Continue ta route et continue ta ronde,
Dieu est assis sur le rebord du monde,
Ne gonfle pas ton dos pour nous effrayer,
Je croirai que Dieu s'est mis soudain à pleurer.